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Le renoncement automatique/par défaut

     Apprendre à renoncer, se détourner, lâcher prise, est un indispensable, pour le chien de famille. On a besoin qu'il n'aille pas voir tous les chiens, tous les passants. Qu'il ne cherche pas à prendre le pain sur le comptoir ou les biscuits apéro sur la table basse. On a besoin qu'il accepte de ne pas pouvoir nous suivre partout, qu'il puisse se remettre de ne pas avoir pu courir derrière un chat ou un gibier, d'avoir entendu un livreur derrière la porte sans avoir eu accès à lui. Derrière toutes ces situations, on attend du chien qu'il renonce à son envie, ce que lui dicte son insctinct, ce qui n'a donc rien de naturel.

     Ce qui n'est pas naturel mais nécessaire à notre vie commune s'entraîne. Et pour ce faire, il y aurait plusieurs méthodes. Il n'est pas question de les passer en revue, car il y en a des tonnes, plus ou moins éthiques.

     Ici, la faculté et la propension à renoncer facilement est entraînée par capture dans la vie courante et au travers de quelques exercices visant le calme, la concentration et la patience.

Capture des renoncements et détournements

     Au quotidien, si l’on prend le temps d’observer son chien, on pourra remarquer que le comportement « se détourner de quelque chose » se produit très souvent. Toutou peut regarder une personne marcher au loin, un objet inconnu, un animal étranger, puis décider que l’observation est terminée et se détourner. Il peut aussi renifler une trace puis relever la tête vers autre chose. Il peut se demander s’il va descendre dans ce fossé, puis renoncer. Il peut décider de ramasser une branche, puis de la reposer. A chaque fois que notre chien semble concentré sur quelque chose puis change d’idée, nous pouvons en profiter pour le féliciter et le récompenser.

     Attention, on ne parle ici que de détournements volontaires, pas créés par l’humain qui rappellerait. Cela implique de regarder son poilu en balade, de guetter les moments où il se focalise sur un élément, d’éventuellement préparer sans faire de bruit une récompense dans sa main, puis d’attendre l’instant où il passe à autre chose pour placer son marqueur (ou un autre type de félicitation).

     En guise d'illustration, voilà comment les choses fonctionnaient avec Sangha jusqu’à ses six mois, environ :

  • Pour un détournement facile (odeur, observation très à distance), je me contentais d’un « bravo petit chien », « super bébé loup » et Croco venait chercher une croquette s’il en voulait.

  • Quand l’observation était plus intense (longue et insistante), j’utilisais plus facilement le YES, mon marqueur, au moment du détournement et donnais plus de croquettes ou une meilleure friandise quand il arrivait.

  • Si la situation était anxiogène pour lui (gros animal très près, chien qui aboie), je n’hésitais pas à féliciter son calme, sans attendre qu’il se détourne. Généralement, ma félicitation le faisait se recentrer sur moi et je lui lançais sa balle, véritable objet de soutien émotionnel pour lui. Non seulement la balle récompensait son détournement, mais elle l’aidait aussi à passer la difficulté.

 

     Ce travail est tout à fait possible en laisse suffisamment longue et en longe. Au lieu d'appeler et de tirer dans le sens qui nous arrange quand notre chien observe ou fixe quelque chose, s'il n'y a pas de risque à ce moment là, on peut choisir d'attendre que le chien renonce. Qu'il tire ou non, en détournant nos épaules et/ou en restant en mouvement, Toutou finit par changer d'idée, car la laisse/longe l'empêche d'aller au bout de son plan. C'est fonctionnel, il suffit d'être patient. Le tout... c'est de l'accepter. Oui, le résultat immédiat serait certainement plus rapide en rappelant le chien, mais sur le long terme, nous avons tout intérêt à laisser Toutou réfléchir, décider par lui même et être récompensé pour ça. On vise le profit mutuel sur l'avenir et la durée !

     Plus souvent le chien est validé pour le comportement "passer à autre chose"/"choisir de suivre l'humain", plus il deviendra capable de le faire facilement et souvent.

Exercices pour motiver le renoncement volontaire par défaut

      Un enseignement d'obéissance au "tu laisses/pas toucher" ne rentre pas dans la présentation. En effet, un chien qui obéit à un ordre ne renonce pas volontairement et encore moins de lui même.

  • Bucket Game

     Un jeu bien connu de Chirag Patel. Il est souvent utilisé comme feu vert dans les soins coopératifs. Mais avant de pouvoir servir à soigner le chien avec son aval, le comportement "attendre sagement devant un bol de nourriture pour en obtenir" est un très bon exercice éducatif.

     Vous trouverez plein de vidéos illustratives sur le net, mais l'idée est, en apportant très rapidement des récompenses prises dans le récipient, de montrer au chien que le calme et la patience sont intéressants pour lui, car il a accès au contenu désiré en ne faisant rien. En quelque sessions, le bol peut être posé et laissé au sol sans que Toutou n'ait essayé de voler le contenu, ni ne se soit frustré de ne pas y avoir accès !

     En renonçant à se servir, le chien obteint ce qu'il désire : plutôt gratifiant, non ? Alors efficace !

     Cliquez sur le lien pour avoir accès à la méthode. L'objectif initial de l'article vise le renoncement à la nourriture, là aussi. Mais le travail en mouvement et en extérieur permet de renforcer le comportement de renoncer dans une configuration bien différente du premier jeu évoqué.

  • Auto gestion sur jouets

      On prendra soin dans un premier temps de montrer à Toutou que c'est bien le calme face au jouet qui donne l'accès au jeu : s'il saute, essaie de le voler, il ne l'obtient pas / s'il attend devant, dans la position de son choix, il est autorisé à le prendre.

      Une fois que notre poilu est toujours calme face à un jouet qu'on a en main, on peut travailler comme avec le bol : essayer de faire bouger le jouet ou de le poser doucement, et récompenser en donnant l'accès quand Toutou parvient à rester calme devant. Avec deux jouets, c'est encore mieux ! Le second peut servir à montrer à quel point on se fiche du premier qui était agité ou posé ou fait tomber, car on libérera toujours le chien sur le deuxième jouet qu'on lancera plus loin.

     Avec du travail, Toutou aura vite compris qu'il n'a pas intérêt à réagir sur le jouet, même si on l'agite fort ou si on le lance. Il aura alors un renoncement par défaut sur le mouvement du jouet. Compétence importante avec des enfants, entre autres.

  • Renforcement du focus

     Si notre chien sait que nous regarder, nous interroger, revenir vers nous sont des comportements payants, il sera bien plus enclin à renoncer, en nous choisissant face aux distractions de l'environnement. A quoi bon renoncer, si l'humain n'est pas intéressant ?

     Là encore, l'obéissance n'a pas sa place. Il ne s'agit pas d'enseigner au chien un "look", une réponse à un ordre qui dirait "regarde moi", mais bien de valoriser le fait que le chien s'intéresse à nous, sans demande, surtout en extérieur. Pour cela, plein de petits exercices sont possibles et faciles à mettre en place. Vous pouvez en trouver dans notre ebook sur l'accompagnement du chiot.

  • Renforcement du calme

     Pour être en mesure de renoncer, il faut être relativement serein (on le sait qu'on est borné quand on est frustré ou en colère, non ?), avoir la pleine conscience de ses moyens. En entraînant le calme au quotidien, on augmente nos chances d'avoir un individu plus réfléchi, plus résilient et capable de se détourner des stimulations et des stressseurs.

     Qu'on récompense régulièrement le calme proposé dans la maison et en dehors et/ou qu'on utilise des surfaces pour renforcer le calme, comme un tapis de détente, tout est bon à prendre pour montrer à Toutou que de rester tranquille vaut le coup.

      Voici une des premières vidéos du travail mis en place avec Sangha pour tenter de construire un adulte le plus stable, coopératif et équilibré possible.

     Vous l'aurez compris, l'apprentissage du renoncement par défaut est bien loin de celui d'un enseignement de "tu laisses" classique, même en positif, puisque l'objectif est que le chien soit en mesure de prendre les décisions de lui même, dans la majorité des cas.

     En agissant sur plusieurs fronts, au rythme du chien, sans aller au delà de ses capacités en usant d'obéissance, Toutou peut apprendre à se détourner, se reconcentrer, choisir l'humain qui pourtant reste silencieux, choisir un autre exutoire, acceptable pour son groupe. De quoi passer des balades confortables et vivre une vie moins stressante, ensemble.

Margot Brousse

Article totalement réécrit en janvier 2024

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