top of page

Les protocoles de différenciation, une aide précieuse en rééducation

Définition

     Les protocoles de différenciation sont un moyen simple, sous forme d’une suite d’événements rituels qui, répétés, permettent au chien de savoir rapidement dans quel contexte il va se retrouver. Cela lui permet notamment d’identifier s’il est en séance d’entraînement ou s’il s’agit de la « vraie vie », mais la discrimination amenée peut être plus fine encore.

      En effet, la différence entre vie « réelle » et entraînement est de taille et d’autant plus pour un chien sensible en ré-apprentissage sur un domaine particulier. Dans la « vraie vie », on n’a pas toujours le choix : il va falloir enfiler le harnais, rentrer chez le vétérinaire, se faire retirer une tique, monter en voiture, passer près de cette maison où un chien aboie etc. Même s’il l’on fait tout notre possible pour préserver notre chien et ne pas nuire à sa rééducation, il y a forcément des failles, ne serait-ce que parce que tout n’est pas prévisible tout le temps. Par exemple, autant je peux choisir d'éviter un itinéraire angoissant pour mon animal, de le sortir en collier si le harnais est très aversif, autant s'il se blesse et doit se faire soigner, je dois agir, même si c'est délicat pour lui.

 

      En mettant en place des rituels pour les entraînements, le chien sait qu’il est en séance et qu’on va lui laisser le choix, en respectant son émotionnel. L’animal anxieux va donc pouvoir se détendre dans ce cadre, car il aura compris qu’on ne dépasse pas son seuil de tolérance et qu’il peut faire cesser le travail à tout moment, via des apprentissages mis en place pour communiquer avec son humain. Ainsi, le chien progresse, avec l’éducateur mais aussi dans votre quotidien, parce qu’il est sécurisé par la prévisibilité.

      Les protocoles de discrimination servent donc à préserver notre travail en cours, même si, à un moment ou un autre, notre chien va devoir être confronté au problème bien au-delà de ce qu’il peut gérer. Mais pour que cela fonctionne, il faut que les protocoles concernant la « vraie vie » et les séances soient nettement dissociables.

 

Exemples

  • Protocole de sorties pour Moony, jack russell réactif chien/humain/certains véhicules

     Pour aller en balade – dans des endroits a priori tranquilles mais on ne sait jamais – on annonce à Moony qu’on va se promener. Il enfile ensuite un harnais spécial « balades ». S’il prend la voiture, il monte par une des portes arrières. Arrivé sur le lieu de balade, on le descend de la voiture avec un simple mot libérateur, par cette même portière.

     Pour aller s’entraîner – dans des endroits plus animés mais que Moony peut en théorie gérer – on lui annonce qu’on va travailler et il enfile (s’il veut bien) un autre modèle de harnais, toujours respectueux de ses déplacements mais plus large, pour qu’il ait une sensation différente. Moony monte en voiture (s’il veut) par l’autre portière. Pour descendre, il doit également donner son accord en touchant la main de son humaine. S’il refuse deux fois, on repart en voiture essayer de travailler ailleurs. Si Moony ne veut pas toucher ce jour-là, peu importe l’endroit, on rentre à la maison. Parallèlement, nous allons instaurer un autre code pour qu’il puisse demander à retourner en voiture, avant de se sentir dépassé.

 

  • Protocole pour gérer la réactivité de Saïko, braque de Weimar, envers l’humain inconnu qui lui fait peur et qu’il peut agresser quand il est en laisse

     Comme Saïko a peur, nous travaillons sur deux points, assez contradictoires en soi, d’où l’importance de lui donner des repères pour qu’il sache ce qu’on attend de lui.

1. Les humains, c’est cool en fait !

      Quand on peut travailler avec un humain qui va pouvoir s’adapter, agir dans le bon sens, Saïko est en laisse, attachée sur le dessus du harnais. On lui annonce qu’on va voir un « copain ». Il s’approche à son rythme et l’humain cobaye pourra lui lancer/donner des friandises pour avoir l’air sympa et dédramatiser l'idée qu'on humain soit tout prêt alors qu'il est tenu.

2. Les humains inconnus en balade, on n’en fait pas cas car ils ne sont pas menaçants

      Dans ce cas de figure, la laisse est fixée sur le devant du harnais, pour mieux maîtriser les 40kg de Saïko en cas de réaction et pour lui permettre de faire la différence avec la possibilité de contact indiquée par la laisse au dessus. On annonce au chien qu’il est censé être avec son humain. On le récompense de regarder calmement les gens qui passent, en lui ayant donné la distance nécessaire. Cette configuration lui promet qu'aucun humain ne viendra à sa rencontre et nous permet de travailler la proximité de l'inconnu sans réaction.

      NB : pour le « au pied », Saïko est travaillé au collier ; ainsi, on peut le laisser tirer sur le harnais sans nuire à la marche au pied, quand il juge avoir besoin de passer vite une problématique.

 

  • Protocole pour Réglisse, chienne croisée récupérée en bord de route, tétanisée à l’idée de monter en voiture (entre autres)

     Avec Réglisse, jusque là, nous n’avons pas eu besoin d’un protocole pour les déplacements obligatoires car son humaine a toujours pu faire autrement. Mais maintenant que la désensibilisation a bien avancé, qu’il devient possible de travailler en dehors de chez elle, nous en mettons un en place pour qu’elle puisse venir sur le terrain de l’entreprise (à 4km de chez elle). Pour ces petits voyages, c’est ma voiture qui est utilisée : je vais chercher Réglisse et B. chez elles. Comme elle n’est pas réticente à monter dans le large coffre, on la laisse faire à son rythme. B. est à l’arrière avec elle, sur le seul siège passager laissé, et lui donne des friandises si elle en veut, le temps du trajet. Réglisse ne peut sortir qu’à l’arrivée dans cette configuration.

      En parallèle, nous travaillons sur la voiture de B. où Réglisse sera attachée à l’avant. Désormais, Réglisse monte d’elle-même, on lui annonce que la portière va se fermer et elle peut descendre si elle veut. Quand la voiture est en marche (sur le terrain, à vitesse très réduite), Réglisse peut demander à sortir et la porte s’ouvre rapidement. La chienne remonte dès qu’elle en a envie, sans être appelée. Un tapis de léchage est donné quand elle est en voiture pendant le travail.

 

  • Protocole pour désensibiliser en cabinet vétérinaire pour Nagg, ma jack

     Vous le savez peut-être, Nagg a été opérée des ligaments et de la rotule, il y a quelques semaines. Cela implique pas mal de visites de contrôle, d’anesthésies pour des radios, de manipulations etc. Nagg est une chienne sensible qui n’apprécie pas vraiment le contact (des gens inconnus), mais si en plus ils peuvent faire mal… c'est terrible, elle tremble d'avance et peut essayer de mordre au moment de la piqûre. Il nous fallait donc travailler sur le fait que la clinique puisse rester un lieu acceptable, si pas confortable.

     Pour les vraies visites, je prends sa caisse et elle est dedans pendant le trajet. Il n'y a pas d'annonce pour ne pas faire monter l'angoisse ; Nagg comprend qu'on va chez le véto durant le trajet, probablement. Parfois, ses « sœurs » nous accompagnent. Arrivées sur le parking, je sors la caisse de la voiture et Nagg y reste, dans la salle d’attente. Si c’est possible (pas de nécessité d'être à jeun), je lui donne des friandises pendant ce temps-là. L’auscultation se fait au sol ou dans mes bras ; il y a forcément une forme de contrainte. Elle peut avoir des tonnes de bonbons si elle veut les prendre. J’essaie d’instaurer un « ça va aller », pour pouvoir lui dire quelque chose sans lui indiquer que la situation est sécure pour autant, car il n'y a pas de possibilité pour elle de mettre fin à une manipulation.

      Pour les entraînements, je les annonce depuis la maison puis avant de descendre de la voiture. Je ne prends pas sa caisse, mes autres chiennes non plus. Arrivées, Nagg peut passer du temps sur le parking avant de décider de rentrer. Je choisis un créneau le midi pour ne pas croiser d’autres chiens ni lui faire subir trop de mouvements humains, tout en évitant (le plus souvent) les retentissements de sonnettes annonçant les clients. On peut jouer ou faire des exos ludiques en salle d’attente, puis dans la salle d’examen. Parfois, quelqu’un vient simplement pour lui donner des friandises. On travaille sur des choses simples, pas forcément en rapport avec les soins, si je la sens stressée. Quand c’est possible, on désensibilise le fait d’être sur la table d’auscultation. Lorsqu'elle s'inquiète, je lui dis que « tout va bien », ce qui lui garantit que rien de désagréable ne va se produire. Elle mastique quelque chose en fin de session. A tout moment, elle peut faire arrêter la séance en allant vers la porte de la salle.

 

     Ce qui compte finalement, c’est de donner du choix et du contrôle le plus souvent possible, d’avoir une façon de communiquer sécurisante lors des entraînements. C’est justement ce sentiment d'être écouté qui est apaisant et amène le progrès. Mais cela ne fonctionne que si, lorsqu’il n’y a pas de choix possibles, la situation semble très différente au chien.

      Si vous souhaitez mettre ce genre de protocoles en place, je vous invite à faire un tableau avec au moins deux colonnes (situations obligatoires/imprévisibles VS entraînements) et à tenter de mettre en avant une différence de façon de faire sous au moins trois étapes (ce qui se passe avant > ce qui se passe pendant > ce qui se passe pour finir)

      Pour mettre en avant les différences à chaque étape, je vais reprendre un des paragraphes et mettre dans la même couleur les éléments qui sont antagonistes d'une situation à l'autre :

      Pour les vraies visites, je prends sa caisse et elle est dedans pendant le trajet. Il n'y a pas d'annonce pour ne pas faire monter l'angoisse ; Nagg comprend qu'on va chez le véto durant le trajet, probablement. Parfois, ses « sœurs » nous accompagnent. Arrivées sur le parking, je sors la caisse de la voiture et Nagg y reste, dans la salle d’attente. Si c’est possible (pas de nécessité d'être à jeun), je lui donne des friandises pendant ce temps-là. L’auscultation se fait au sol ou dans mes bras ; il y a forcément une forme de contrainte. Elle peut avoir des tonnes de bonbons si elle veut les prendre. J’essaie d’instaurer un « ça va aller », pour pouvoir lui dire quelque chose sans lui indiquer que la situation est sécure pour autant, car il n'y a pas de possibilité pour elle de mettre fin à une manipulation.

      Pour les entraînements, je les annonce depuis la maison puis avant de descendre de la voiture. Je ne prends pas sa caisse, mes autres chiennes non plus. Arrivées, Nagg peut passer du temps sur le parking avant de décider de rentrer. Je choisis un créneau le midi pour ne pas croiser d’autres chiens ni lui faire subir trop de mouvements humains, tout en évitant (le plus souvent) les retentissements de sonnettes annonçant les clients. On peut jouer ou faire des exos ludiques en salle d’attente, puis dans la salle d’examen. Parfois, quelqu’un vient simplement pour lui donner des friandises. On travaille sur des choses simples, pas forcément en rapport avec les soins, si je la sens stressée. Quand c’est possible, on désensibilise le fait d’être sur la table d’auscultation. Lorsqu'elle s'inquiète, je lui dis que « tout va bien », ce qui lui garantit que rien de désagréable ne va se produire. Elle mastique quelque chose en fin de session. A tout moment, elle peut faire arrêter la séance en allant vers la porte de la salle.

Margot Brousse Freed Dogs

Article publié fin 2022

bottom of page