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A deux, c'est mieux ?

    Prendre un deuxième chien, certains s'y refusent catégoriquement pour le travail ou les frais supplémentaire que cela incomberait, d'autres y pensent (à tort ou à raison) et d'autres encore ne se voient pas vivre sans plusieurs animaux à la maison. Je m'aligne bien évidemment dans cette dernière catégorie, pour deux raisons :

  • J'ai perdu plusieurs chiens, étant jeune et eux également, et le vide que notre animal laisse durablement en partant est parfois réellement difficile à combler. J'imagine qu'on vit plus ou moins longtemps dans le souvenir, qu'on ne veut pas remplacer cet ami de plusieurs années, par une race identique ou non. Pour ma part, j'ai mis presque un an, après mon berger allemand, à me pencher sur le golden et à me laisser tenter, alors que le manque d'un chien était palpable, chaque jour. Si comme moi vous avez ou auriez du mal à vivre sans canidé à la maison, sachez que la perte n'est pas moins douloureuse si un autre poilu vit déjà à vos côtés, mais au moins ne se pose pas le problème de « remplacer » qui que ce soit et l'on ne vous retrouve pas soudainement sans animal sous notre toit. Je pense que c'est déjà un poids en moins à supporter quand survient cette heure triste.

  • Et - seconde raison moins lugubre - comme je pratique plusieurs activités avec mes chiens, je trouve assez confortable et plaisant d'avoir un jeune chien en formation, un autre lancé dans les compétitions et fiable et un dernier plus vieux, revenu à une vraie vie de chien de compagnie. C'est pour cela qu'adopter un petit nouveau tous les cinq ou six ans me semble parfait.

     Mais sans aller jusqu'à trois, nous allons nous pencher sur le fait d'accueillir un deuxième chien.

Deux chiens... deux fois plus de contraintes !

 

     C'est évidemment un budget supplémentaire au niveau du matériel (achat ou remplacement de lieux de couchage, de laisses, de jouets etc.), de l'alimentation (et de l'organisation si vous nourrissez vos animaux à la ration ménagère, au BARF/whole prey*) et du vétérinaire. Mais les finances ne sont pas le seul obstacle possible.

     La place dans notre logement et l'étendue de notre jardin sont des critères qui peuvent également entrer en ligne de compte. En effet, certaines personnalités aiment leur tranquillité, apprécie d'avoir un espace qui leur est propre et de vrais moment de solitude. Un deuxième chien, massif et/ou envahissant, pourrait poser problème à notre premier animal et il faudrait alors aménager l'espace pour ne pas nuire à l'équilibre émotionnel du premier arrivé - a minima. Il se pourrait cependant que l'on manque tout simplement de place chez nous pour que la cohabitation soit possible.

     Il arrive souvent qu'on envisage cette possibilité d'adoption davantage pour le premier toutou à la maison que pour se faire plaisir personnellement, dans l'idée que notre chien se sentira moins seul. Mais il faut se poser cette question avant toute chose : à deux, seront-ils vraiment mieux ? Ce n'est pas une évidence. Un certain nombre de situations devrait nous faire renoncer à l'idée de ramener un second individu chez nous, notamment :

  • si nous y songeons parce que notre premier chien a l'air de s'ennuyer et nous redécore notre intérieur à chaque absence ou aboie sans cesse, ou fugue, ou... et que nous pensons que la présence d'un congénère lui sera bénéfique,

  • si nous espérons que nos deux chiens se stimuleront l'un l'autre et que cela nous dégagera du temps, en terme de sorties par exemple,

je dirais : attention, pente glissante. Sachez que si notre premier chien émet des vocalises d'angoisse, le nouvel arrivant fera certainement de même, surtout si nous adoptons un chiot. Si l'adulte a pris l'habitude de détruire pour calmer son anxiété ou combler ses besoins de dépense physique, notre chiot l'imitera également. Si le premier fugue, idem. Bref, un jeune aura toujours de grandes chances d'être influencé par notre premier chien et d'autant plus dans les comportements indésirables. Les émotions se transmettent : l'insécurité, le stress, l'agacement... toute une palette que le chiot puis l'adolescent ressentira également et qui accentuera notre problème initial au lieu de le régler. Nous ne devrions donc pas adopter un nouvel individu si notre chien présente des comportements gênants, pour lui, nous ou notre espace. En connaître l'origine et les régler est une nécessité avant une nouvelle adoption.

     La seconde motivation à intégrer un nouveau membre à la famille – le fait d'imaginer deux bons copains qui s'occupent l'un l'autre – est a priori moins risquée : nous pourrions avoir raison comme tort. Tout dépend du caractère du chien qui se trouve déjà installé. Il y a des individus beaucoup plus portés sur les humains que sur leurs congénères, d'autres qui mettent énormément de temps à s'intéresser à un nouvel arrivant et, dans un cas comme dans l'autre, certains considéreront que ce nouveau venu est plus un fardeau qu'un cadeau, possiblement pendant de longs mois. Ma plus vieille chienne a repoussé Nagg pendant près de huit mois. Elle refusait toute interaction ; elle ne faisait que la fuir ou la gronder. Heureusement, Guenji, même si elle est très connectée à moi, l'invitait parfois à jouer et lui prêtait tout de même attention, globalement. Quant à Sangha, mon petit dernier de quatre mois, il est très souvent totalement ignoré par les trois filles. Quand il ne l'est pas, c'est souvent pour se faire remonter les bretelles car il s'excite dans leur zone de confort.

     Cependant, c'est vrai, beaucoup de jeunes chiens seraient contents d'accueillir un copain canin, il faut le dire – en grande partie parce que nos animaux manquent cruellement de contacts appropriés avec les autres membres de leur espèce. Mais cela peut poser un autre souci : assez logiquement, notre nouveau chiot va se "brancher" sur ce congénère reconnu comme tel dès son arrivée. Dans ce lieu étrange qu'est votre logement où il ne reconnaîtra rien, il s'empressera de renouer contact avec le seul élément qui lui rappellera son élevage. Si nous laissons les choses évoluer naturellement, nous avons toutes les chances d'avoir un relationnel assez pauvre avec notre second chien. J'irai jusqu'à dire : pas de relation du tout. Glissons-nous quelques minutes dans la peau du petit bout : non seulement notre chien adulte aura pour lui le fait d'être de la même espèce, mais il partagera son quotidien constamment et de façon globalement très positive (alors que nous, partons régulièrement et ne savons pas aussi bien communiquer) ; il ne tardera pas à devenir son élément référent comme nous le disions plus haut. Une forte dépendance peut se créer et notre jeune chien pourrait en venir à faire abstraction totale de notre personne. Alors oui, il pourra nous donner l'impression d'être éduqué : il reviendra quand nous le rappellerons (en meme temps que son "frère"), il s'assiéra pour avoir un gâteau et autres. Oui mais pourquoi ? Tout simplement par imitation. Et le jour où nous n'aurons pas ou plus son mentor pour nous « soutenir », il est fort probable qu'on constate la fragilité du lien à l'humain et si pas de vrai lien, pas de véritable écoute. Un animal déprimé, en prime. Et ça, c'est dans le meilleur des cas ! C'est dans l'hypothèse où notre premier chien serait attentif à nous et convenablement éduqué. Dans le cas inverse, nous pourrions nous retrouver avec deux individus ne vivant que l'un pour l'autre, à nos côtés, certes, mais sans rien partager avec nous – et sans nous prêter une réelle attention, donc, à nous comme à nos demandes/attentes.

     C'est pour cela qu'en plus de remplir la condition d'un premier chien équilibré et dont les besoins étaient originellement respectés, nous avons besoin de prendre du temps avec le nouvel arrivant pendant quelques semaines pour qu'il crée un véritable lien avec nous, humain(s), également. Nous ne pouvons donc pas acquérir un second chien en pensant que nous gagnerons du temps (moins de sorties, moins de parties de balle etc.) A moins que notre objectif soit de les laisser en autarcie dans le jardin – mais je pense personnellement que nous ne devrions pas avoir de chien du tout si c'est ainsi que nous envisageons la vie « avec » eux – un deuxième canidé, c'est chronophage, surtout au début !

     Pour nous attacher notre nouvelle boule de poils, il faut passer beaucoup de temps avec nos chiens séparément. Balades séparées, jeux à tour de rôle, éducation positive avec l'un puis avec l'autre. Ainsi, notre chiot apprendra que nous sommes, nous aussi, un centre digne d'intérêt, quelqu'un avec qui il se passe des choses tout aussi passionnantes qu'avec son compagnon de vie de la même espèce. Pour ma part, j'avais pris deux semaines de congés à l'arrivée de ma jack pour avoir le temps de ne faire des promenades qu'avec elle, avant de sortir ses "sœurs", en plus des apprentissages personnalisés avec jeu et friandise. Je n'ai pas eu beaucoup à les séparer, en fin de compte, du fait de plusieurs éléments :

  • de par son gabarit de jack de deux mois, Nagg ne pouvait pas suivre les (grandes) blondes et, peu sûre d'elle dans un environnement méconnu – comme tout chiot –, elle choisissait de rester près de moi.

  • à cause du caractère de mes autres chiennes, bien plus préoccupée par moi que par la crevette blanche, ce qui l'a « forcée » à se rabattre sur moi pour jouer, partager, jusqu'à y prendre goût en soit.

  • grâce aux très nombreuses séances d'apprentissages réflexifs que je lui proposais tous les jours et qui me l'ont attachée à vitesse grand V car c'était un bidon sur pattes ^^

     C'était un cadre assez idyllique pour instaurer un lien avec mon chiot ; nous n'avons pas tous la même chance – mais nous ne voulons pas tous un chien pour faire des sports canins non plus. J'entends par là que pour pratiquer les activités désirées, j'ai besoin que chacun de mes chiens aient un lien plus fort avec moi qu'avec leurs congénères, même ceux avec qui ils vivent. Et ce n'est pas forcément le cas de tout le monde, si l'on souhaite simplement vivre en harmonie avec des chiens de famille.

     Néanmoins, sans aller jusqu'à chercher une fusion avec son ou ses chiens, il est de toute façon préférable de multiplier les figures d'attachement, pour l'équilibre émotionnel de nos animaux. Si nous venions à perdre l'un de nos chiens, ou à devoir les séparer le temps de vacances ou convalescence par exemple, il faudrait que l'autre puisse le supporter et s'en remettre normalement. J'ai connu une golden arrivée en club après la mort de sa "sœur", golden aussi. Elle refusait d'entrer dans la pièce où elle dormait avec la plus vieille. Elle avait l'air de faire des crises d'angoisse, comme des attaques de panique, par moment. C'était une chienne perdue qui n'avait pas plus d'intérêt pour ses humains, malgré leurs efforts et leur attachement à elle. C'est un cas extrême, mais il existe. Que nos chiens s'entendent bien est fort agréable, voire essentiel, mais ils doivent également avoir plaisir à partager des moments avec nous.

Dans la pratique...

    Je vous conseille d'attendre que votre premier chien soit adulte dans sa tête et son corps avant d'en prendre un second. Deux chiots sont difficilement « dissociables » et les apprentissages ne seront pas simples - pour la propreté, un vrai calvaire !!! Le passage de l'ado en pleine fougue, dans sa période rebelle, n'est pas non plus une période idéale pour vous ajouter un petit être à éduquer.

     Dans tous les cas, veillez à faire des présentations correctes. Dans l'idéal, le chiot serait intégré à son futur chez lui sans avoir à rencontrer une nouvelle tête de suite, surtout si ce n'est pas un chien naturellement doux, calme, avenant. On lui laisserait prendre ses marques durant quelques jours avant d'organiser une rencontre en extérieur neutre. Le plus enclin à aller voir l'autre serait mis en longe et passerait devant, afin de laisser le temps au second pour décider de quand s'approcher. Une fois les chiens plutôt neutres en extérieur, il serait possible de détacher le premier chien et d'envisager de rentrer à la maison. Si l'un des deux devait être envahissant dans ses contacts alors que l'autre serait mal à l'aise, il faudrait les séparer, le temps qu'il passe du bon temps en extérieur et apprenne à se faire confiance.

      C'est en ne laissant pas le nouveau venu faire n'importe quoi avec l'autre (et inversement !) que vous apparaissez au yeux de tous comme une personne sécurisante et qui saura gérer en cas de problème. Cela limitera le risque de conflit.

 

     Donc pour finalement répondre à notre question « à deux, c'est mieux ? », je conclurai « oui, MAIS ». Oui, c'est mieux, car au quotidien, dans nos absences, même sans jouer toute la journée ensemble, deux chiens se tiennent compagnie. Oui, parce que c'est sympa de voir le jeune poilu apprendre en copiant le plus âgé. Oui, parce qu'au moins, nous, nous aurons deux individus non privés de contacts sociaux. Et oui parce que deux chiens, ça tient encore plus chaud sur le canapé l'hiver ^^ MAIS...

  • Mais cela a un coût.

  • Mais à condition d'avoir un adulte équilibré à la maison en amont, un chien sans vrai problème d'éducation, qui sait interagir correctement avec la gent canine et qui est initialement attaché à nous.

  • A condition aussi d'être conscient que cela nous engage, qu'il faudra partager au moins autant de temps avec le petit nouveau que celui passé avec notre premier chien, voire plus, pour « rivaliser » et nous l'attacher à son tour.

  • A condition, enfin, de nous positionner en tant que le référent prioritaire pour chacun de nos chiens, de façon à ce qu'ils profitent au mieux du temps ensemble sans être indissociables.

 

    Prenez un second chien pour vous avant tout, pas pour votre chien. Ils s'apprécieront tout autant, sans que cela ne cause de tort à personne :)

* Alimentation crue, composée de viande/poisson, os charnues, abat et légumes pour le BARF, de proies entières pour le prey model.

 

Margot Brousse - Freed Dogs

Article publié début 2019

Revu en juin 2023

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