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Le jardin...
véritable ami du chien ?

      Qui n'a pas entendu au détour d'une conversation sur les chiens : « non, on n'en a pas parce qu'on n'a pas de jardin » ou « on prendra un chien quand on aura une maison » ? Dans un autre style, on peut aussi capter quelques incriminations du type « un si gros chien, en appartement, c'est n'importe quoi ! » ou bien encore « quelle idée d'avoir un chien en appartement... ».

      Ah ! cet espace de vie qu'est la maison, et plus encore ce jardin, soit disant nécessaire à la vie canine, pratiquement sacralisé... Aujourd'hui, je vous invite à méditer sur cette question : sont-ils réellement indispensables ? J'affirmerai que non. Et j'irai plus loin : parfois, j'aimerais autant que les fameux jardins n'existent pas.

De l'absolue nécessité du jardin

 

      Il faudrait une maison pour que le chien ait de l'espace, surtout s'il est imposant. Il n'y a pas de mal à penser la première partie de la phrase ; la seconde m'interpelle un peu plus car c'est une idée reçue. Evidemment, avoir un bouvier bernois de soixante kilos dans un studio, ça ne facilite pas les déplacements, ce n'est anthropologiquement pas pratique ; mais notre bouvier en souffrirait-il ? Je ne crois pas. En tout cas, pas forcément. Si son humain est présent et se donne la peine de suffisamment le sortir, il n'y a aucune raison qu'il vive mal la situation. Pour finir de briser le mythe, les gros chiens, justement à cause de leur gabarit qui les fatigue vite, ont finalement moins besoin d'activités physiques, donc avec de longues balades tranquilles, ils se poseront sans mal dans votre logement, peu importe sa taille. A condition de ne pas multiplier les chiens dans un trop petit habitat, bien sûr.

     La place dont nous disposons ne ddevrait pas être déterminante dans notre choix de race ; c'est notre capacité à faire coïncider les besoins de cette race à notre mode de vie, la clé du succès. Pour approfondir le sujet, vous pouvez jeter un œil à l'article sur le choix d'un chiot.

      Mais venons-en au point central : la remise en question du jardin pensé comme un impératif. Pourquoi donc faudrait-il un jardin ? Essayez de le demander à diverses personnes, c'est assez amusant. Pour ma part, je n'ai rien eu de mieux que « c'est agréable pour le chien de pouvoir sortir comme il veut ». Soit – même si cela m'étonnerait qu'en plein hiver, le chien puisse aller et venir librement entre l'extérieur et la maison. Avantage estival, donc. Creusons un peu plus : pourquoi ?

  • Option 1 : « Parce qu'ils aiment être dehors ». En voilà une réponse sympathique :) Et pourquoi ? Ah ça, vaste question... A priori humain, souvent, même si effectivement beaucoup de poilus apprécient de lézarder au soleil, aux beaux jours.

  • Option 2 : « Parce que dehors, c'est plus intéressant qu'à l'intérieur ». Ce n'est pas complètement faux ; à méditer.

 

     En premier lieu, il faudrait admettre que, non, tous les chiens n'apprécient pas d'être à l'extérieur. Nous nous le figurons sans mal, celui à qui on ouvre la porte, qui repère qu'il pleut, même si c'est trois gouttes, et refuse de sortir, non ? Et même quand il fait beau, on peut remarquer qu'alors que la porte est ouverte, le chien choisit de rester couché près de son humain à l'intérieur. J'ai moi-même deux chiennes sur trois qui ont ce réflexe. Je pense donc que non, l'extérieur n'est pas forcément plus attrayant. Cela dépend de la relation que nous entretenons avec notre chien et des stimulations que nous lui offrons au quotidien (apprentissages, jeux, repas, câlins etc.) : si rien d'intéressant à ses yeux ne se produit jamais dans la maison, oui, il est probable que le chien en vienne à préférer l'extérieur.

Le véritable intérêt du terrain clôturé

      En vérité, le jardin est un confort avant tout pour l'humain, pour un tas de raisons.

     C'est plein de bons sentiments que l'homme pense que son jardin est un bien pour son animal mais, malheureusement, c'est loin d'être toujours le cas. L'humain, très occupé dans son travail et autres activités, a tendance à se déculpabiliser en offrant à son chien une grande maison avec un terrain, parfois immense. Il se dit qu'au moins, son chien a de la place pour courir. Le problème de ce raisonnement, c'est qu'il ne tient pas compte des véritables besoins des canidés.

      La majorité des chiens sont devenus des êtres dépendants de l'homme, parce que nous les avons voulus ainsi. Et le fait est qu'ils n'ont pas besoin de vastes étendues en intérieur ou extérieur, mais d'un compagnon de vie présent et soucieux de leurs besoins éthologiques. Avez-vous déjà observé votre poilu, quand vous le mettez dehors pour qu'il fasse ses besoins ou se dépense sans vous ? La plupart des chiens de famille vont aller uriner à quelques mètres et revenir sous peu à la porte. Certains aiment bien nous refaire les baies vitrées avec la truffe et les pattes ou revoient le design de notre porte, si nous n'ouvrons pas assez vite. Nos chiens ont besoin de nous, pas d'hectares de jardin.

      C'est vrai, cependant, il y a des chiens qui passeraient leur vie dans le jardin. Souvent des chiens de chasse et des primitifs, avides de la chasse aux lézards et/ou aux oiseaux. Leur nature ET le fait que l'humain alimente leur besoin de fouiner, traquer, pourchasser, creuser en leur laissant beaucoup (trop) d'autonomie en extérieur conduisent à ce résultat. Ceux qui savent profiter de ce terrain, seuls, ont généralement assez peu d'attache à l'homme - ou, en tout cas, très peu de connexion en extérieur ; ces individus sont généralement pénibles à promener, soit parce qu'ils tractent comme des forcenés, soit parce qu'ils se font la malle pour vadrouiller au loin. Certains de ces chiens vont prendre la poudre d'escampette à peine mis dehors, peu importe l'étendue du jardin. Ceux-là en sont arrivés à ce point justement parce qu'un jour, le non-respect de leurs besoins exploratoires a été trop lourd à supporter.

      Je vous disais plus haut que le jardin est selon moi un simple confort humain. Soyons honnête : c'est facile d'ouvrir la porte pour offrir à son chien un peu de « liberté » et d'agitation (sans nous déranger, en plus). C'est agréable de ne pas avoir à se lever à sept heures même le dimanche, d'enfiler un jogging pour aller se promener alors qu'il ne fait pas encore jour la moitié de l'année – et sans avoir bu son café ! C'est plaisant de ne pas avoir à ressortir après le film du soir. D'un point de vue humain seulement.

      Je dis que le jardin est loin d'être indispensable, voire peut devenir néfaste, car les personnes vivant en appartement sont, elles, obligées de sortir avec leurs animaux, de partager du temps avec eux en extérieur. Et c'est un fait : le chien préfère (originellement) se promener une petite heure avec nous et hors de chez nous que de passer des heures seul dans un jardin déjà exploré de fond en comble.

     On pense également bien faire en les laissant à l'extérieur le temps que nous travaillons ; on imagine qu'il est plus enrichissant pour l'animal d'être dehors car il y a plus d'espace et plus de stimulations. C'est vrai, mais quelles stimulations ? Des passants qui motivent votre chien à défendre intensément sa clôture car il ne sait pas quoi faire d'autre. Ou des bruits angoissants, des inconnus qui vont le mettre mal à l'aise. Ou des feuilles qui tombent et le font aboyer car cela l'occupe. Des rampants à chasser. Des potagers à détruire. Des trous à creuser, faute de mieux. Des voitures à prendre en chasse le long du grillage. Et un beau jour, une femelle en chaleur qui le conduit à s'échapper et oh ! il découvre en vadrouillant pour aller la retrouver à quel point il est plaisant de sortir de chez nous pour explorer le monde... Et c'est le début des ennuis. Parce qu'un comportement dont découlent des événements agréables est forcément renforcé et reproduit.

L'heure du bilan...

     Prenons donc garde au jardin et aux idées préconçues. Il devrait être utilisé (plus) intelligemment.

     C'est un vrai plus lorsque nous accueillons un chiot car, au réveil et avant de nous coucher, nous pouvons aller très facilement dehors avec lui. C'est aussi agréable quand on a du terrain de ne pas avoir à se déplacer pour jouer avec son animal. C'est chouette de pouvoir laisser son chien (éduqué) aller et venir quand il fait beau.

     Le jardin est pratique, c'est sûr, mais il ne remplace pas les balades et les moments à deux. Que nous soyons en appartement ou dans une maison de campagne implantée sur quatre hectares de verdure, notre chien a tout autant besoin de nous dans ses sorties et, surtout, il a tout de même besoin de voir d'autres endroits inaccessibles en temps normal pour voir tous ses besoins comblés. Au delà de la dépense physique que la promenade procure, elle les satisfait mentalement dans leur besoin de renifler les empreintes d'autres chiens, les pistes d'autres animaux passés par là. Ils découvrent un autre monde à chaque fois. Pensons que dans notre jardin, à moins qu'il soit immense, non fermé et qu'il y ait du passage d'humains et d'animaux divers chez nous, le stock d'odeurs à découvrir est vite épuisé. En balade, si en plus nous essayons de changer régulièrement d'itinéraires, il est constamment renouvelé.

      Voilà pourquoi j'affirme que le jardin est loin d'être une nécessité, tandis que la promenade - adaptée en temps, en matériel et en lieu - ravit et détend le chien. Voilà pourquoi la maison n'en est pas une non plus : si notre chien partage suffisamment d'activités avec nous (sorties, jeux, tours à apprendre), selon son caractère et les besoins spécifiques à sa génétique et son tempérament, il sera facilement calme et vivra sans mal dans un espace restreint.

      Encore une fois, tout est dans le temps que nous consacrons à notre compagnon poilu !

Margot Brousse - Freed Dogs

Article publié début 2019

Revu en juin 2023

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