
Vers des balades sans tension
Comment (ré)apprendre à marcher en laisse détendue
Le chien qui tire sur sa laisse est généralement un problème pour l’humain. En fonction de la masse du chien, de sa force, de sa conviction dans la traction, cela peut aller jusqu’à générer de vraie douleurs chez le gardien du bulldozer, ce qui conduit certaines personnes à sortir de moins en moins avec leur chien, si elles ont un jardin – décision qui, généralement, empire les symptômes – ou à employer des méthodes peu éthiques (comprenez : maltraitantes), dans l’espoir de regagner en confort sur les sorties.
Malheureusement pour nous, apprendre au chien à marcher en laisse ou longe sans se prendre pour un husky au début d’une course ne consiste pas à appliquer deux ou trois petits tips qu’on voit pourtant partout comme :
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Lui apprendre le « au pied » en le leurrant avec des croquettes près de la jambe.
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Lui enseigner que si le lien se tend, l’humain s’arrête ou fait demi-tour systématiquement.
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Ou pire : le maintenir près de la jambe en lui répétant un ordre en laisse courte (et le sanctionner en donnant des à-coups quand il tire).
Pourquoi ça ne fonctionne pas ?
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Leurrer un comportement pour l’obtenir, sauf si c’est sur très peu de répétitions, rend bien souvent dépendant au leurre : ni le chien ni l’humain ne sauront faire sans.
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Il existe un monde entre la capacité à marcher au pied en suivant un bonbon et le concept de marche en laisse/longe sans tirer, donc l’exercice ne se généralise pas et ne rend pas les sorties plus faciles.
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Les deux derniers conseils ne font qu’augmenter la frustration, rendant le chien excité et irritable, motivant ainsi l’action de tirer (pour s’éloigner de l’humain qui saoule, pour accélérer et vider le trop plein émotionnel dans la mobilité). Bien souvent, le chien qui nous a fait nous arrêter, quand il a compris ce qu'on attendait de lui, fait rapidement se détendre la laisse mais repart de plus belle dès que l'humain se remet en marche. En plus de devoir s'arrêter tous les 3m, l'humain prend un à-coup dans le bras à chaque redémarrage, ce qui est particulièrement désagréable (et frustrant).
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Un état d’éveil trop haut entraîne une certaine insensibilité à la douleur et une incapacité à se concentrer pour faire les associations désirées, donc même les punitions, « douces » ou non, n’atteignent pas le poilu (sauf si l’on devient un vrai barbare… On évitera, merci !!)
Analysons les choses du point de vue du chien…
L’allure naturelle du canidé domestique est le trot. A moins d’appartenir à une très grande race ou d’être obèse, le chien marche peu. Il avance donc à une allure nettement supérieure à celle d’un humain qui se promène. Pour vous donner une idée, même ma jack russell de 5kg me fait avancer plus vite quand elle est attachée (un tour d’1h15 en libre est réduit à 1h si elle est en canimarche, même si elle ne tire pas du tout !). Alors, imaginez si nous suivions notre labrador ou berger belge à son rythme ! En considérant qu’il reste constamment au trot, j’entends.
Partant de cette considération, nous réalisons vite que la longe – et la laisse encore plus – est une réelle contrainte pour le chien : elle l’oblige à marcher, ou au moins à réduire sa vitesse naturelle, constamment ou très régulièrement. Ne seriez-vous pas gênes de devoir tous les jours vous promener avec un enfant de 3 ans, main dans la main, pendant 4km ? C’est ce que nous faisons vivre à nos chiens tenus en laisse. Si certains se résignent avec le temps (ce qui est assez triste), d’autres bataillent pour plus de marge de manœuvre (et deviennent rapidement insupportables à tenir).
Alors c’est l’humain qui doit se résoudre à la situation… ou tomber dans des extrêmes ?
Le paragraphe précédent pourrait faire penser que le salut est dans la liberté. Alors oui, mais non.
Parce que lâcher son chien partout, tout le temps, ce n’est pas possible. Il y a des endroits où les chiens DOIVENT être attachés. Il y a des lieux où notre chien pourrait importuner des promeneurs, des cyclistes, d’autres chiens n’aimant pas rencontrer des congénères inconnus. Et même en pleine forêt ou en rase campagne, notre animal ne devrait pas circuler n’importe comment, sans aucune gestion humaine, au risque de déranger d’autres individus et de se mettre en danger.
C’est simple : si la loi l’exige, on attache. Si Mouche n’a pas un très bon rappel, on attache. Si Fourmi ne sait pas ignorer les passants et ses congénères, on attache. Si Sauterelle peut persécuter une proie, déranger la faune et potentiellement traverser une route n’importe comment, on attache.
En venir à des solutions de plus en plus violentes n’est pas acceptable non plus. Utiliser un collier étrangleur ou à pics est clairement un aveu d’incompétence et nos chiens valent mieux que ça ! Qui vivrait bien de se promener en sachant qu’il va forcément souffrir (ou passer sa sortie à chercher comment éviter de souffrir) ?
De réelles solutions (éthiques) existent !
Heureusement. Mais, soyons honnêtes, si on se fait promener par un tractopelle depuis des mois, elles vont nécessiter du temps (et des efforts humains) pour porter leurs fruits.
Passons en revue les clés de futures sorties sans tension (dans tous les sens du terme). Elles ne sont pas classées par ordre d'importance, plutôt par facilité de mise en place.
1. Ajuster la longueur du lien
Nous l’avons dit, nous sommes lents, aux yeux du chien. Alors plus la laisse est courte, plus la tension revient facilement et régulièrement.
Beaucoup de chiens qui tiraient en laisse d’1m50 ne tirent presque plus quand on leur offre une longe de 5 à 10m. Parfois, c’est aussi simple que cela !
NB : quand la longe n’apaise pas la situation, que le chien veut courir dans tous les sens même au bout de 20m de lien, le problème, ce n’est pas la longe, mais le lieu de balade qui est mal choisi pour CE chien (et l’état émotionnel dans lequel Toutou part en promenade. Vous êtes concernés ? C'est parti pour les paragraphes suivants !).
2. Accepter d’aller régulièrement à son allure
Très peu de gardiens le font, mais certaines portions de balade peuvent se faire avec un humain qui marche très vivement voire trottine (selon le gabarit du chien), lui aussi.
Si l’accélération humaine ne pousse pas le poilu à entrer en course avec son bipède, la démarche est tout à fait indiquée, car elle va éviter des tensions inutiles dans la longe et des frustrations au chien.
En effet, le chien n’accélère pas juste pour accélérer : à moins qu'il soit en prédation visuelle ou en stress à cause du milieu, il a généralement flairé quelque chose d’intéressant et souhaite s’en rapprocher rapidement. Si l’humain suit, en cherchant à éviter que la longe se tende, il est fort possible qu’il voie son chien s’arrêter sur une odeur quelque mètres plus loin.
C'est tout bête, mais la meilleure des façons de ne pas apprendre à tirer pour obtenir ce qu'on veut est de faire en sorte que le chien n'ait pas à tirer pour atteindre ses objectifs. C'est toujours la même chose : plus de gestion humaine, moins de frustration pour le quadrupède = moins de tension entre les deux, donc plus de calme pour les deux et moins de vitesse, ergo : de moins en moins besoin de trottiner, soi. Bienvenu dans un cercle vertueux !
3. Adapter le lieu (et potentiellement l’horaire)
Du premier point, on peut déduire qu’il vaut mieux tenter de se promener dans des lieux où le chien peut être en longe plutôt qu’en laisse. En pleine ville, on peut essayer de choisir les heures les plus creuses possibles pour ne pas être obligé.e de maintenir Scarabée près de soi constamment.
Si la circulation le permet, oubliez le respect des trottoirs. Laissez votre chien aller à droite, à gauche, traverser quand bon lui semble. Plus libre de ses mouvements, ayant plus de choix dans les pistes olfactives à suivre ou sur lesquelles s’arrêter, il sera plus détendu (donc tirera moins).
En choisissant un endroit calme mais riche en odeurs sociales (humains, chiens), Criquet prendra davantage son temps. Ce sera l’occasion de féliciter verbalement ses temps d’arrêts, ses prises d’informations au sol, ses marquages (urines, selles, roulades, grattages des postérieurs…) en restant légèrement en arrière à l’attendre. Les renforcements vocaux s’accumulant, Criquet passera de plus en plus de temps à produire ce type de comportements, incompatibles avec la traction (continue).
Préférez les espaces bien ouverts, où vous pourrez réorienter votre chien s’il part en traction, juste en changeant tranquillement de direction. Sur un long chemin qui part tout droit sur la durée, le chien a plus de chance de rester loin en avant, tirant au bout de sa longe et ne nous laissant pas de possibilité de calmer le jeu en proposant un autre itinéraire.
4. Sortir à la bonne fréquence et suffisamment longtemps
Combien de chiens « profitent » de leur jardin en semaine et sont promenés pendant le week-end seulement ? Et peut-être un peu plus quand viennent les beaux jours, d’accord. Combien de poilus font des petites sorties hygiéniques en bas d’un immeuble sans réellement partir en promenade ?
Même en longe, un chien qui manque de balades, qui vit la chose comme un enfant débarque à Disneyland, risque d’être infernal au moment de sortir. La balade ne devrait jamais être un événement, mais un acte banalisé dans le quotidien. Personnellement, je sors mes animaux plusieurs fois par jours. Donc cela ne donne pas lieu à une montée d’excitation ; c'est la routine. Elle est appréciable, mais c'est la routine, pas de quoi en faire une montagne.
Si l’on a la possibilité de sortir plusieurs fois par jour, on peut facilement offrir des balades plutôt courtes sans créer de frustration (15-30min). Si notre loulou doit se contenter d’une seule promenade, celle-ci devrait au moins durer 40min, pour amener un réel apaisement post-sortie.
Ce point est étroitement corrélé au suivant : trop peu de balades entraîne l’émergence d’une forte émotion quand le chien voit l’humain se préparer, et les conseils à suivre n’auront alors aucune efficacité.
5. Partir avec la juste émotion
Si Coccinelle est déjà effervescente quand on attrape son harnais ou qu’on lace nos chaussures, nous sommes assez mal barré.es pour que le début de balade ne soit pas chaotique. Plus l’excitation et l’impatience montent en amont, plus le chien risque de tirer, au moins en début de promenade.
Pour peu à peu ramener une certaine quiétude, vous pouvez :
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Renforcer le calme de façon générale, c’est-à-dire récompenser les choix de se poser et de ne rien faire au quotidien, en intérieur et dans le jardin. Travailler l’envie de se placer et se détendre sur un couchage ou un tapis particulier est également pertinent. Ce sont des points qui sont abordés dans l’ebook d’accompagnement du chiot et qui seront creusés dans la réédition du Refus de l’obéissance aveugle et du contrôle permanent.
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APRÈS les balades, faire perdre de la valeur aux signaux annonciateurs : on peut remettre ses baskets puis les enlever, déplacer la longe dans la maison, aller poser le harnais près de la porte pour le ranger 2min après, prendre les clés et les reposer etc. Avec les répétitions, quand le poilu ne réagira plus à vos manipulations post-balades, il deviendra opportun d’agir de la sorte à tout moment de la journée, pour finir de banaliser ce type d’actions.
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AVANT les sorties, deux possibilités à essayer (les deux ne donnent pas le même résultat en fonction du chien) : faire se dépenser physiquement et mentalement Ver de Terre (jouer au tug, jouer à chercher quelque chose, jouer à la balle…) puis/ou essayer de mettre le poilu dans la bonne émotion en lui offrant une recherche calme sur tapis de fouille ou un tapis de léchage.
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Si on a un jardin et que le chien a l’habitude d’y aller sans raison, on pourra également le faire sortir pour préparer discrètement tout ce dont on a besoin pour la balade (friandises, sac, harnais, longe, laisse, chaussures…), hors de sa vue, afin de lui éviter un pic d’excitation. Là encore, il peut avoir des croquettes à chercher : ainsi, non seulement il est occupé et risque moins de nous voir venir, mais il s’active de façon mesurée et sera probablement plus disponible pendant la promenade.
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Si Bourdon a l’habitude d’être très haut en émotions quand il part en voiture, on peut l’y faire monter régulièrement pour mastiquer ou lécher quelque chose dedans, sans aller en balade ensuite.
6. Donner envie d’être proche de l’humain en extérieur
Je dirais que c'est une des clés principales, en dehors du travail émotionnel qui est la base de toute éducation réussie. En effet, je n’ai jamais eu à apprendre à mes chiens à ne pas tirer : quelque soit la longueur du lien nous reliant, aucun de mes 5 chiens ne m’a jamais tractée. Avec Sangha, berger de 2 ans et 24kg maintenant, souvent loin devant s’il est en liberté, je n’ai travaillé la marche en laisse... que pour quelques vidéos de l’ebook chiot. Jamais en dehors. Je n’ai pas répété d’exercice de suivi avec, j’entends. En revanche, j’ai énormément récompensé toute forme d’attention en extérieur et lui ai appris qu’on pouvait partager des moments de connexion absolument partout, qu’il soit en liberté, avec une longe au sol ou tenue en main.
En pratiquant des jeux de proximité qui ne sont ni basés sur le leurre, ni sur l’obéissance, Doryphore aussi pourrait prendre plaisir à évoluer de plus en plus près de vous, même en balade (et donc de nettement moins tirer pour être plus loin et avancer plus vite).
Commencez au moins par sortir dans le jardin et récompenser chaque marque d’intérêt de votre chien vous concernant. S’il apprend que pour chaque regard, pour chaque retour spontané, il obtient de la nourriture de haute valeur, il pourrait finir par avoir envie de proximité même en dehors de chez vous.
Jouer et apprendre des tricks, même s’ils sont « inutiles », favorise aussi l’envie de partager, la motivation, l’engagement.
Et ne sortez plus en balade sans une poche pleine de nourriture très appétente ! Voyez grand au début : saucisson, restes de viande ou de poisson, bouts de fromages odorants etc. Avec le temps, les friandises pourront baisser en qualité sans impacter la motivation du loulou, mais il faut commencer par mettre la gomme pour ancrer les comportements souhaités.
7. Améliorer les compétences émotionnelles du poilu
En plus de renforcer les comportements d’intérêt envers l’humain, apprendre au chien à mieux gérer ce qu’il ressent permet de gagner énormément en confort de vie, chez soi comme en balade. En effet, un chien qui se frustre facilement de ne pas avoir accès à l’extérieur ou à sa gamelle assez rapidement n’a aucune raison de bien gérer qu’on l’empêche d’accéder à une ressource sur sa balade (nourriture au sol, gibier, autre chien…) De même, un loulou qui s’excite énormément dans le jeu et perd le contrôle physiquement quand il joue avec l’humain ne sera probablement pas compétent pour gérer une interaction sociale en balade.
Bref, en cherchant à faire évoluer Abeille dans l’accueil et la gestion de ses émotions de façon générale, on la rend moins excitable, plus réfléchie, moins impulsive, plus encline à communiquer avec nous et à nous écouter.
Attention : les soit disant exercices d’auto-contrôle qui n’en sont pas du tout (l’humain ordonne de ne pas bouger, de ne pas toucher, de laisser, de revenir malgré distraction) ou qui sont mal faits (le chien est exposé à une situation trop difficile pour lui permettre de faire le bon choix sans monter dans les tours ou se tromper 10 fois, avant de prendre sur lui pour être ENFIN récompensé) ne feront pas progresser le chien, au contraire. Rappelons-nous toujours que l'obéissance est tout bonnement incompatible avec l'adaptabilité émotionnelle. Simple, basique (merci Orelsan).
Pour trouver les bons exercices et sélectionner des scenarii appropriés, n’hésitez pas à consulter un coach compétent en la matière.
8. Gérer différemment le quotidien en tenant compte de ses propres émotions
En dehors des personnes (encore trop nombreuses, cela dit) qui ne savent pas que vivre avec un chien implique de répondre à ses besoins, notamment de sorties hors du jardin, il existe désormais un petit groupe de gardiens qui culpabilise énormément si leur animal n’est pas promené tous les jours. Ainsi, des humains, justement informés et bien intentionnés au départ, préfèrent s’infliger un mauvais moment - aucunement qualitatif pour le chien, d’ailleurs - en utilisant potentiellement un matériel peu adéquat, juste pour pouvoir retenir le poilu, comme un collier et une laisse maintenue courte, juste parce que « un chien un besoin de partir en balade tous les jours ».
Oui, je vais revenir sur le point précédemment abordé ici, à savoir la nécessité absolue de la promenade quotidienne.
Le véritable mantra que nous devrions avoir est : « mon chien a besoin de passer du temps de qualité en ma compagnie et que je lui offre de quoi se dépenser physiquement et intellectuellement tous les jours ». C’est assez différent. Et la nuance est importante car cela implique que...
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Une sortie sous tension permanente, qui nous épuise mentalement et physiquement, nous rend irritable voire nous fait exploser contre le chien, n’a pas de raison d’être.
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On peut trouver d’autres moyens de répondre au mantra qu’en partant en promenade.
L’humain a le droit d’être malade, fatigué, d’avoir mal quelque part, de ne pas être d’humeur à sortir. Pas tous les jours, bien sûr, mais un à trois jours sans balade par semaine n’est/ne sont pas forcément catastrophique. Tant que le gardien de Cigale tâche de s’occuper d’elle différemment, en lui proposant de chercher sa balle ou un tapis de léchage dans le jardin, plusieurs fois de suite. Ou en lui offrant une pièce enrichie de choses à explorer et à manger, en le regardant et le soutenant avec une tasse de thé. Ou en jouant avec lui, surtout si le jeu mené permet d’entraîner ou d’entretenir une bonne modulation émotionnelle. Ou en lui offrant une très longue mastication sur l’heure normale de promenade. Ou en convoquant un copain chien pour faire les nigauds dans le jardin. Ou… Il y a des tas de possibilités !
Si l’on juge que le chien a besoin de sa balade journalière à tout prix, on peut…
→ Chercher un proche pour nous décharger de la tâche plusieurs fois par semaine.
→ Trouver un pet-sitter qui emmènera Papillon se promener, peut-être même en prenant sa voiture et en lui offrant une sortie nouvelle et sereine.
→ Laisser Moustique en garderie un à deux jours par semaine (s’il est très sociable et non harceleur – ou si le pensionneur encadre intelligemment les chiens).
→ Chercher un vaste endroit désert pour lâcher le poilu, avec ou sans sa longe (s’il ne chasse pas ou si la zone n’est pas propice à l’activité)
→ Faire des essais de balade avec un matériel différent, pour soulager ses épaules et son dos. Par exemple, avec un bon baudrier, attacher Mante en canimarche pourrait permettre de la laisser tracter sans en subir trop d’inconvénients.
9. S’assurer que le cadre de vie et les activités offerts ne jouent pas contre nous
Ici, nous traiterons deux exemples opposés, pour montrer l’influence du quotidien du chien sur ses comportements.
En semaine, Cloporte est enfermé 9h par jour ; ses gardiens ne peuvent pas rentrer les midis. Puis en fin de journée, il faut s’occuper des enfants, de leurs devoirs, du bain, de la cuisine, du ménage et du linge en retard. Alors Cloporte est mis dans le jardin « pour se défouler ». Il passe beaucoup de temps à attendre derrière la porte, après avoir, rappelons-le, somnolé et patienté devant la fenêtre toute la journée. Cloporte ne sort que les week-end, s’il fait beau. Il est littéralement dingue quand il sait qu’il va se promener. C’est difficile de lui mettre son harnais tant il s’agite. Puis il tire, il tire, il tire, à s’étrangler et à haleter comme s’il avait fait un marathon ; il fatigue sa famille qui se dit qu’elle aurait dû partir avec les enfants à vélo sans lui… « Heureusement », Cloporte est un trop gros golden, toujours nourri en gamelle, qui, en dehors de quelques trous dans le jardin et de sauts sur la famille et les invités, n’a pas développé de problèmes plus graves. Il n'empêche que sa vie est clairement fade.
Cloporte est en manque d’activité. Sa famille l’aime certainement mais néglige profondément ses besoins de chien (olfaction, contacts sociaux, enrichissements alimentaires, dépenses physiques…). Il ne PEUT PAS bien se comporter en longe. Il n’en est juste pas capable tant les émotions le submerge.
A l’inverse, depuis son plus jeune âge, Libellule passe tous les jours des heures dans le jardin : elle chasse les oiseaux, les papillons, les mulots. Elle monte la garde et aboie sur les passants. Elle fixe les chèvres voisines, au loin. Il lui arrive de courir après une voiture longeant la clôture. Dans la maison, Libellule tombe de fatigue après une phase d’excitation d’être rentrée. Peu de temps après une courte sieste, elle devient pénible (tourne, couine, sollicite l'humain, aboie à la baie vitrée...) donc est remise dehors, seule ou pour qu’on joue avec elle à la balle. C’est l’engrenage : l’adrénaline et la dopamine appellent l’excitation et le besoin d’agir, de bouger. Et quand elle part en balade, c’est la même chose...
Libellule est sur-sollicitée et mal sollicitée. Elle ne dort pas assez et son sommeil est de piètre qualité, en dehors de la nuit. Elle n’a pas appris à s’ennuyer et à rester inactive, à cause du temps passé en autonomie en extérieur. Elle a été rendue endurante, hypervigilante et excitable, même si ce n’était pas forcément sa nature première. Alors Libellule est épuisante en balade : lâchée, elle bouge dans tous les sens, s’éparpille, ne s’intéresse pas à l’humain, part en chasse, comme sur son terrain. En laisse ou longe, elle se sent entravée mais veut tout autant bouger, courir, donc elle tire énormément et est devenue réactive face à ce qu’elle aimerait atteindre (chien, autre animal).
Tout est imbriqué : un chien calme en balade est un chien à qui on a appris à être calme, à se détendre, à prendre son temps, à observer calmement. Je sais bien que ce n’est pas l’avis populaire, mais le jardin en accès libre, pour le jeune chien (et sa relation à nous), est vraiment délétère.
Trop peu d’activité ou un excès d’activités demandant un haut niveau d’éveil finissent toujours par avoir un impact sur la qualité de vie du chien et de sa famille.
Que retenir de tout cela ?
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Que la marche en laisse n’est pas un équivalent d’une marche au pied et qu’il n’est pas nécessaire d’enseigner cette dernière à notre chiot ou notre chien qui tire.
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Qu’une marche en laisse détendue implique d’en passer par un apprentissage de marche en longe détendue.
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Qu’une sortie de qualité, propice à une balade zen, est une sortie où le chien est en longe dans un espace large et calme, très riches en odeurs sociales, avec un humain qui se cale sur son rythme et félicite les pauses, les observations, les prises d’informations au sol.
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Que de très nombreux éléments du quotidien sont à moduler quand on souhaite apprendre au chien à évoluer sereinement en longe - et par extension en liberté -, bien au-delà de la « simple » logistique de balade ou d'exercices de marche près de la jambe.
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Que les clés de sorties sans tension résident dans la motivation du chien à évoluer près de nous mais aussi et surtout dans l’entraînement d’une bonne auto-gestion de ses propres émotions.
Margot Brousse ~ Freed Dogs
Article rédigé en mars 2025